Le camerounais est-il foncièrement violent ?
(Suite et fin)
On a tellement cultivé la violence dans nos comportements que celle-ci est devenue un culte. Les expressions les plus illustratives sont dans ces camerounismes : « tu sais à (avec) qui tu as affaire ? Je vais te faire ça dur ! ». Le vocabulaire quotidien camerounais est hyper riche en termes et expressions dans le registre de la violence. Il ne serait même pas exagéré de penser que les camerounais font l’amour avec violence. « Tue-moi ce soir ! Je vais finir avec toi aujourd’hui ! Fais-moi mal ! Mets-moi ça partout !» sont des phrases entendues dans plusieurs mélopées de musiciens et musiciennes (égalité oblige !) camerounais, accompagnées de gémissements tellement univoques qu’ils feraient bander un pape en plein milieu de l’eucharistie, lorsque le pauvre homme de Dieu, (ou d’église) soulève le corps du Christ. Certaines églises réveillent tellement brutalement leurs ouailles au point qu’on y a institutionnalisé lamentations au lieu de méditation. L’arnaque y ressemble au rançonnement. On y interdit aux croyants d’aller se faire soigner à l’hôpital, les contraignant à mourir à petit feu, religieusement et pieusement. Il arrive même parfois à ces exorcistes de flageller proprement les croyants, faisant accroire qu’ils chassent ainsi les mauvais esprits qui les habitent. C’est une violence qui ne dit pas son nom. La corruption, la gérontocratie, l’oligarchie, le népotisme, le clientélisme, le favoritisme, le tribalisme sont autant d’actes de violence des héritiers contre les déshérités, des nantis contre les pauvres et des protégés contre les orphelins.
Etat de violence ou violence d’Etat: Alaaaaarme !
Les discours officiels dans distinctes tribunes aussi bien nationales qu’internationales font croire que le Cameroun est en transition d’un régime de parti unique vers un régime multipartiste. Après les turbulences nées de ce passage dans les années 90, il est clamé que le Cameroun traverse une période de « Démocratie apaisée ». Laissons le soin aux puristes de la langue de montrer le caractère inapproprié même de cet adjectif, la démocratie étant mouvement perpétuel, esprit de contestation par essence, remise en cause permanente et non stagnation. Sauf si les libertés sont si totales que les partis politiques n’ont plus rien à revendiquer, sauf si les partis d’opposition ont été annihilés ou contraints à s’assagir, une démocratie ne saurait donc par fondement être apaisée. En outre, on sait qu’il faut éviter de confondre multipartisme et démocratie. Il y a, sur le terrain de la vérité un fossé qui peut les séparer. Comme ce n’est pas ici l’objet de cet écrit, revenons sur le droit chemin.
Le fondement d’une République repose sur la Justice. Si les citoyens n’ont pas confiance en la justice de leur pays, alors, la violence devient le moyen de se faire justice. L’expression « justice populaire » qui s’est établie dans les mœurs camerounaises le témoigne à suffisance. Les rues du pays sont jonchées de macchabées victimes de cette justice populaire. Le nouveau code de procédure pénale que le gouvernement a médiatisé à souhait, le présentant comme signe de l’arrimage du pays aux droits et libertés des citoyens laisse l’impression de textes révolutionnaires entre des mains d’apprenants. Chacun en fait un usage et une interprétation dans le sens de ses intérêts et des consignes reçues. Cette cacophonie est visible dans les prisons surpeuplées. On y trouve ensemble des voleurs d’œufs parqués avec les criminels de grands chemins ; des coupables condamnés avant d’être jugés et des prisonniers dont la détention préventive dure des années afin de rassembler les indices de leur culpabilité. Il n’y a pas grand-chose à attendre du côté de l’assemblée nationale. D’honorables parlementaires, élus du peuple si l’on peut dire se sont fait molester dans un ministère de la république, sans que cela ne provoque la démission de qui que ce soit, ni un quelconque rappel à l’ordre de leur confrère qui trône au sommet de l’Etat. Il est dangereux que l’institution judiciaire devienne le bras armé d’un Etat contre… ses citoyens. Le citoyen a l’impression qu’avoir affaire à l’Etat signifie la présomption de culpabilité : « tu es coupable et le cas échéant, tu ne l’es pas moins »
L’actualité et les journaux camerounais font état depuis un certain temps d’une certaine violence qui, si l’on n’y porte remède, est à même de jeter le pays dans une situation explosive. Il s’agit de la violence de soldats et policiers ripoux. Que personne ne me prête l’idée que l’armée et la police camerounaises sont tous des criminels en uniforme. Tout corps de métier possède en son sein ses brebis galeuses et enfants terribles. Mon Dieu, la grande majorité des soldats et policiers sont des modèles, qui sacrifient même leur vie aux idéaux pour lesquels ils ont prêté serment. Ce n’est pas d’eux qu’il s’agit ici. Comprenons-nous bien. C’est tout simplement que la violence des Camerounais civils est beaucoup plus verbale et morale que celle des flics qui est physique, brutale, « fusillante » et mortelle.
On était habitué à nos rigolos mange-mil, policiers et gendarmes aux uniformes décatis et aux galons fatigués. Ils étaient commis à la régulation ou plutôt à la perturbation du trafic routier. On s’était fait au pot de vin à l’enquêteur dans les commissariats et postes de gendarmerie afin de « corriger » l’enquête. On avait mis dans les faits divers quelque haut gradé de l’armé abattant dans son domicile un collègue de la police pour une affaire de mœurs. Nos yeux s’étaient accommodés de nos policiers et militaires défiant de leur obésité l’inaptitude à la pratique du sport. On avait fini par faire corps avec l’homme en tenue, assidu du matin au soir des débits de boissons, plus saoul qu’un essaim d’abeilles dans les sources vives de mon village. C’était banal de les voir se trémoussant dans leurs tenues mieux que les meilleurs danseurs de bikut-si et de bend skin. Chacun savait déjà que dans nos geôles la pratique de toutes sortes de brimades humainement avilissantes ainsi que la bastonnade, appelée dans le jargon « café chaud » allaient de soi. Un brin cyniques, quand des militaires rossaient des policiers, nous nous en délections, nous disant que « c’est entre eux eux ». Petites interrogations en passant : comment policiers ou gendarmes pourraient-ils soumettre à l’alcotest des conducteurs si eux-mêmes puent l’alcool « joukààààà »? Par quel hasard les contrôles de police et de gendarmerie dans nos villes et villages se tiennent-ils toujours devant les bars ? Il est connu que quand le dossier d’un véhicule est complet (chose extrêmement rare) le contrôleur termine son inspection par « grand, laisse-moi même une bière-là ». L’astuce des capsules gagnantes de bière est connue. Mais aujourd’hui, le rubicond est franchi.
Aux temps jadis, quand dans la rue, on criait au voleur ! on espérait voir un flic qui court derrière un malheureux débrouillard. Aujourd’hui, quand on crie au voleur ! il n’est pas impossible de voir une meute de civils aux trousses d’un flic. L’expression « aux trousses » étant même ici hyperbolique, car les poursuivants se doivent vitalement de se tenir à bonne distance d’un pruneau acheté par l’argent des impôts des camerounais. On disait autrefois que la vue d’un képi est le commencement de la sagesse. Aujourd’hui, la vue d’un homme en tenue devient lentement pour l’honnête citoyen camerounais le début du calvaire. Entre bavures et participation active dans des groupes de braqueurs, entre assistance aux coupeurs de route et allocation des armes et uniformes de l’armée à des malfrats, les hommes en tenue au Cameroun inspirent de plus en plus un sentiment d’insécurité. Il est grandement temps d’inverser cet équilibre de la terreur.
Il a été créé au Cameroun une force spéciale qui terrorise aussi bien les bandits que des camerounais innocents, sans distinctions de culpabilité et sans égard d’autorité. Les forces du si bien dénommé BIR font pire que semer la peur dans le camp des malfrats. On ne compte plus les exactions commises par ces forces d’une nature bien spéciale. Que ce soit dans les campus universitaires, dans la rue où ils déambulent comme des drogués en manque, dans les quartiers où ils font régner la terreur, ça craint énormément. Il vaut mieux pour un citoyen d’abandonner sa bière, sa place dans le bus, le volant de son véhicule Prado ou sa copine s’il a en face de lui un soldat du BIR qui convoite ces objets. A ce rythme, le chien que son maître ne peut plus maîtriser va bientôt finir par le mordre. Il y a risque de mettre en épreuve l’adage l’homme a créé la machine, elle a fini par le trahir. Quand on créé un monstre, il faut tenir en mains les mannettes pour l’arrêter. Ce n’est pas une solution pérenne, mais il est temps de débuter quelque part en mettant les soldats camerounais dans les casernes et en interdisant la présence de SOLDATS EN TENUE DANS DES DEBITS DE BOISSONS, LES ARÈNES SPORTIVES sauf dans le cadre approprié d’une intervention professionnelle. Dans des pays modernes, c’est le travail dévolu à la police militaire.
De plus, il faut réorienter la formation des forces de sécurité du Cameroun, nées dans un état d’urgence au coeur d’une guerre civile larvée. Elles furent formées essentiellement pour brimer avec comme doctrine la fameuse ordonnance de 1962 portant répression de la subversion. Formées pour traquer les « maquisards », c’est-à dire d’autres camerounais, elles éprouvent un mal sérieux à vivre au sein de la population civile. Au demeurant, la seule guerre où elles auraient pu montrer leurs preuves est celle de Bakassi : elle fut gagnée sur le terrain de la diplomatie. En permanence en vadrouille dans nos rues, les forces de l’ordre n’ont pas cessé de voir en les civils de potentiels maquisards. Ils sont téléguidées par leurs géniteurs les administrateurs civils. On aimerait mieux les voir sur nos frontières poreuses assurer la défense du territoire. Aujourd’hui encore, « quand ça les pique », les forces armées d’un pays voisin envahissent des villages camerounais et y hissent leur drapeau. On peut comprendre aujourd’hui que ces forces de répression aient tout le mal du monde à assimiler des enseignements sur les droits de l’homme. Les temps ont changé, les libertés sont devenues effectives. Le monde baigne aujourd’hui dans la culture de l’information et de la médiatisation.
Last but not least, une des violences les plus terribles au Cameroun aujourd’hui consiste à déifier des êtres humains, à essayer par tous les médias possibles jour et nuit de « cimenter » dans la tête des gens que seul un individu sur 20 millions est capable de diriger le Cameroun ! J’éprouve de l’urticaire sur la peau de mon cerveau en l’imaginant diriger le pays dans les 3 ou 4 prochains septennats. Toi aussi Dieu, pourquoi es-Tu si chiche ? Le camerounais T’a même fait quoi ? Aucun n’était pourtant parmi ceux qui ont crucifié Ton Fils. Tant d’idiots sur 475.000 km2! Je vous épargne le calcul du nombre d’idiots par km2. A la fin, il est vraiment à plaindre, notre bien-aimé Président à vie. Même dans la tombe, le pauvre ne jouira pas du Requiescat In Pace, tant il continuera à éprouver des insomnies pour ses d’idiots.
Cette tentative d’endoctrinement est une insulte gravement violente à l’intelligence de tout un peuple, un acte de viol aggravé de l’Histoire et à la population de ce pays. Heureusement ou malheureusement pour tous, les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables. Et parmi eux, beaucoup de Pères de la nation, de Grands Timoniers, des Führer, d’Infatigables Bâtisseurs (dont les grandes ambitions sont peintes avec du sang des innocents), de Guides suprêmement éclairés, voire des envoyés de Dieu himself, puisque les autres 19.999.999 en provenance de l’enfer ne sont que des imbéciles congénitaux louangeurs de profession. Adossé sur le rempart inébranlable qu’est l’armée de répression, le régime en place ne doit plus présenter le Cameroun comme une « démocratie apaisée », mais comme une démocrature militaro policière.
Félix Kama
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