MINKUL MI NEM OU RÊVES EN COULEUR CACTUS
Félix KAMA
Note de l’auteur : Ce texte lyrique peut, s’il doit être joué être défriché. Le metteur en scène est libre de sa synchronisation, des didascalies et de la distribution.
(Quelqu’un est couché sur un matelas à même le sol dans une chambre encombrée. De temps en temps, grognements, balbutiements, changement de position. Se lève, fait quelques pas de somnambule. Se recouche. Lent réveil. Assis. Déception)
Le jour a vacillé et lentement, insensiblement, l’ombre a réussi l’exploit de diluer la lumière et voici que voit l’homme à quatre yeux. (Scrute les visages dans la salle, balayés par un faisceau de lumière rouge) Les masques et les cagoules tombent et voici tout nus les hommes médiocres, les pédants, ceux qui se targuent de pseudo-savoirs, les connaisseurs de ce monde impie, avares, imbus de techno-technique. Qui êtes-vous ? Qui vous a fait entrer chez moi ? que cherchez-vous ? Je vous préviens, dans quelques instants, j’éteindrai ma lanterne et il y aura encore des persifleurs. Il est encore temps de sortir. Ne profitez pas de la pénombre pour dormir ou pour conter fleurette. Je ne tolérerai aucun murmure, aucun battement de paupières, aucun geste équivoque ! Nooon ! je vous tiendrai à l’œil. Je dis : trop de liberté, ça suffit ! Abeilles, fourmis-magnans, guêpes, montez la garde ! Malheur à celui qui osera péter, qui osera respirer fort ! Non ! ( ton modeste) Qu’est-ce que vous êtes venus chercher chez moi ?
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Au nom de tous les dieux vivants : Allah, Bouddha, Jehova, Nyambé, Yahvé, je déclare sur l’honneur que mes intentions ne sauraient valoir des actes ; que toute allégation et toute interprétation tendancieuse prenant pour cible une personne animale, humaine ou divine est indiscutablement erronée ; que toute ressemblance avec une personne ayant existé, existante ou à exister n’est que pure fatalité. (mélancolique) Que voulez-vous ? Dans ce fichu monde, chacun se nourrit de ses illusions, chacun fantasme en toute liberté dans ses frustrations, parce que chaque jour qui passe est un pas de plus vers le rendez-vous fatal. (chant ou musique en off) À la source du monde, il n’y a que TÉÉ DAM, le rien qui existait, de forme informoïde, presqu’indescriptible. Rien éternua violemment et ainsi jaillit INDINDIMA le silence, être calme, impassible, flegmatique même. Un peu trop souvent taciturne, une fois il voulut témoigner sa reconnaissance à son géniteur. Il ouvrit la bouche et INDIMGUI l’obscurité s’en échappa. Celle-ci se répandit en tombant et accoucha de NDIIM le noir. Celui ci s’accroupit et donna naissance à ELO-POGO la sagesse. Le passe-temps favori d’ELO-POGO était de se plonger perpétuellement dans toutes sortes de réflexions. Une fois, il frissonna, se contracta et engendra NGNEM MAMA le connaisseur alias Dieu-le tout-puissant. A l’origine, celui-ci était très impétueux et ignorait la pitié. Tout était alors noir. Le noir était beau, harmonieux, magnifique, majestueux, unique et uniforme. Dieu lui-même était… dans le noir. Un jour, cela devait être la nuit, Dieu voulut aller voir son père. Il se retourna brutalement et…. Kpiiiim ! il y eut un choc inouï. Vous ne pouvez même pas vous faire une idée d’un bruit similaire. Pensez un peu à toutes les bombes de l’opération Tempête du désert déversées sur cette salle à la même seconde ! Il ne s’en sortit qu’avec une énorme bosse sur le front, mais montagnesque, je vous dis ; et une côte complètement cassée et qui laissait ouvert une sorte de tunnel du Mont Blanc. Dis-donc, le type là est fort ! Furieux, il arracha l’énorme monument qu’il fracassa contre son genou ! S’il avait su ! Et ce fut l’avènement de SI NDON la terre éphémère. Tout cela se passait dans le noir. Mais Dieu n’avait encore apparemment rien vu. Soudain les battements de son cœur s’accélérèrent, s’accélérèrent, s’accélérèrent, s’accélérèrent… jusqu’à six milliards de coups à peu près par seconde et de la côte de son Mont Blanc cassé, il vit sortir, comme un poussin apeuré, une espèce de bimane en forme de pomme d’Adam et qui, physiquement vaguement lui ressemblait : c’était MOT-BINAM l’homme bimane. Cet auto-produit profita de l’obscurité pour se reproduire. La nuit est souvent responsable de beaucoup de mauvaisetés ! MOT BINAM se reproduisit donc. Il se re reproduisit encore, encore encore, et encore et encore et encore…jusqu’à six milliards ! Le tout-puissant scruta dans l’obscurité et vit des choses qui grouillaient dans le monde, comme des microbes, je vous dis ! Il demanda que toute la lumière soit faite sur cette affaire. On ne dit jamais à l’aller : “si j’avais su”. Dommage. (plage d’activités déconnectées)
Et la lumière fut ! Et ce fut le jour. Dieu lui-même fut éclaboussé par cette lumière. Alors, il vit des choses, de ces choses ! Il devint blanc d’horreur. L’histoire dit même que c’est depuis lors qu’il est demeuré blanc. Regardez d’ailleurs toutes ses photos. Cela, je n’en sais rien. C’est une autre histoire. D’ailleurs même ce ne sont que des histoires.
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Il est des œuvres que l’on accomplit avec des larmes : ça va ; il est des œuvres que l’on crée dans le sang : c’est grave ; mais il y a des œuvres dont la parturition se fait de larmes de sang : sans commentaire. Cela Dieu vit, rougit, noircit, blanchit, se retourna et s’assit par terre. Son regard se brouilla, son œil s’humidifia. Il en résulta d’abord des flaques, puis des ruisseaux qui se muèrent en torrents formant rivières provoquant des fleuves qui enragés devinrent des mers qui se transformèrent en océans et ce fut le déluge. (soudain sonne un téléphone portatif muni d’une antenne de radio. Il a beau l’étirer, on sent que la réception n’est pas des meilleures. Alors il sort un câble électrique, cherche une prise sans la trouver et finalement le branche sous l’aisselle d’un spectateur)
Allô Gott… pardon Grüß Gott oui, c’est moi. Mon Diiiieu !!! Quelle surprise !… Cela fait très longtemps ! Tu es où ? … comment tu vas ? …Non nous ici on va très bien. À part mes maux de tête qui me font très mal… quoi ? prendre trois antiidiotiques ? non non non, les allemands disent que cela a trop d’effets secondaires… na ja . Misère ?…Oui elle se porte bien, elle a épousé Haine en 14 et a accouché en 1939… tu n’étais pas au courant ? la mère et les bébés se portent bien. Les accidents et les maladies prospèrent partout. Hé, sais-tu que Ben Atta est mort ?…Non, entre-temps il vendait des lames de rasoir en Afghanistan et il a fait banqueroute non… donc il priait Notre père qui es aux cieux, donne-nous notre pain de ce jour… non, bien sûr comment aurait-il pu savoir que ce n’est pas toi qui répondais favorablement…Vus de loin, une caisse de médicaments et un sac de riz ou même une bombe, on ne voit pas la différence… surtout quand on a été affamé depuis … pardon ?… Donc il allait ramasser un sac de riz quand une caisse de médicaments lui est tombée dessus… oui, je crois qu’on appelle ça l’overdose… Au fait, toi tu es supporter de quelle équipe : l’équipe de l’axe du mal ou l’équipe civilisée ?… non non tu dois choisir un camp : soit tu es avec nous, soit tu es contre les autres… Est-ce que tu sais que je n’ai pas ton numéro de téléphone ?…Je n’ai pas de papier mais, je peux noter quand même (il compte les spectateurs de 0 jusqu’à 13)… allô, avec tout le respect que je vous dois, vous n’auriez pas un peu mal à la tête par hasard ? il s’ennuie pourquoi ?… oui mais pourquoi il était d’abord parti trop tôt ?…Mais est-ce qu’il ne peut donc pas revenir… Non, je lui avais dit que sa place à droite, je ne la voulais pas. Ma place c’est à ta gauche … peur de qui ?… c’est pour cela que tu te caches depuis ?…lorsque le jour cessera de succéder à la nuit ? ( il éclate de rire) Tu as quand même des foutaises ( aux spectateurs) il dit que l’oiseau ne fait jamais marche arrière parce qu’il n’a pas de rétroviseur ( il tire subrepticement le câble qui se déconnecte de l’aisselle du spectateur) Dis-moi au moins quand tu revien… allô ? allô ? Merde, il a coupé !
Excusez-moi. Où en étions-nous encore ?
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Landé landé landé ngôm ngôm
Landé landé oo landé sum sôgô (bis)
Oloû ose ma è bô kón
Oloûn one ma è bedjeme
Bedjem bô be te ma woé o
Bô kón be seg ma gnôn o
Je n’ai rien contre la mort, je ne lui en veux pas. Ce sont les connaisseurs qui me tuent, la mort ne fait que venir ramasser ma dépouille.
Un jour je suis allé vers l’homme. C’était par un beau matin. Le soleil était juste suspendu à l’endroit qui pousse ma langue vers des démangeaisons communicationnelles. Ceux à qui j’ai tendu la main marchaient comme des robots (il mime une marche mécanique). Leurs regards m’ont traversé pour aller mourir là-bas, dans ce qu’ils croient être leurs objectifs, fouillant dans les étoiles ce qui dort au bout de leur nez. Mon frère, ma sœur, mon père, ma mère, où cours-tu ? Qui et que cherches-tu ? Où trouveras-tu meilleur remède de l’homme que l’homme ? La clôture de ton château est plus haute que les murs de ta maison. Pourquoi ? Les vitres fumées de ta voiture sont toujours remontées. Pourquoi ? Pour me fuir, pour m’isoler n’est-ce pas ? Moi, moi la terre, moi l’homme. Ils détruisent la terre pour bâtir des gratte-ciel, ils sondent océans et infinistère pour tenter de se rapprocher de lui là-bas. Mais ils oublient que l’enterrement préside aux destinées de tout ce qui a été créé. Qui ? mais qui donc a osé ne pas t’apprendre que la feuille ne pourrit jamais sur l’arbre ? Va, envole-toi, même le fils de l’autre a été enterré. Peut-être seras-tu le premier à être enciélé.
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Le verbe ! À moi la toute puissance du verbe ! À moi mes écorces, mes gris-gris, mes fétiches ; moi, vainqueur au poignard de neuf panthères ; moi, sept fois rentré vivant du pays des morts duquel jamais personne ne revint ! moi, à qui jamais on ne demande de faire attention sous prétexte qu’une flèche vers mon œil vole ! Et voici le soubresaut orgasmique de la tribu des orages de l’équateur ! (chant)
Mi satoum mi ngbadoum
Kôrindong
Mi satoum ééé yélé
kôrindong
nli mepan nya ne vé
kôrindong
mi satoum ééé yélé
kôrindong
ntsig mengoun nye ane vé
kôrindong
mi satoum ééé yélé
kôrindong
vik vik vik sing (bis)
ma woé nyat le ntsan’ kpimm
vik vik vik sing (bis)
ma woé ngoé le nno kpimm…
Les géographes, les cartographes et les racistes (les mitraille) ; les colonialistes, les impérialistes, les économégoïstes, les politichiens, les roitelaids, les roitrillons et les roitricules, pouvoiristes impénitents. À mooort ! Les intégristes, les militaires, les guermaniaques, oui, la guerre : pour cet enfant qu’on met au monde, soixante dix sept fusils de fabriqués ! En avaaaant maarche ! faisons la guerre à la guerre ! La guerre ouverte, la guerre mondiale, la guerre de sécession, les guerres fratricides, la guerre des nerfs, la guerre d’usure, la guerre de 14-18, la guerre d’intimidation, la guerre de 39-45, l’entre-deux-guerres, la guerre froide, la guerre des communiqués, les communiqués de guerre, la guerre nucléaire, au secours, ils ont même voulu faire la guerre des étoiles, malheureusement il n’y a pas de talibans au ciel, la danse guerrière, les jeux de guerre, la guerre des sexes, les fossoyeurs des victimes de guerre, la guerre des tranchées, la déclaration de guerre, la guerre de bonne guerre, la guerre des va-t’en-guerre, la guerre de libération, la guerre de six jours, la guerre de Yom Kipour, avec tant de guerres, ne manque que la guerre du Temps, la sale guerre et la vraie guerre, la guerre noble : la guerre des mots ! Faisons ensemble un grand feu et enterrons-y la hache de guerre ( énumération hystérique)
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Or l’homme ne peut jamais survivre sans chasser, alors, on fait l’inverse : on chasse les intelligences. Mais dans les pays d’exil aussi, on chasse les exilés. De trois choses l’une : ou ici aussi il n’y a que des idiots, ou les exilés sont des idiots, ou alors ils ont tort d’être intelligents. En tout cas, félicitons les braconniers d’hier, devenus les meilleurs garde-frontières d’aujourd’hui.
Mais restons donc chez nous. Et réciproquement. Au fait, qui déporta ? Qui chasse ? « Nous avons perdus une bataille. Mais nous n’avons pas perdu la guerre ». Applaudissons sans pudeur les explorateurs sédentaires aux capacités mnémo-myopes. Oui, parce que certains se croient chez eux sur cette terre éphémère. Nous y sommes tous en passant, simple je-m’invite dans un bateau perdu dans une mer houleuse. Ce qui t’appartient, à défendre avec ardeur, ce sont les deux mètres sous terre. Et encore, avec ces profanateurs heun heun…
Mais c’est l’amour qu’il nous faut, qui nous reste. Pas l’amour salaire, pas l’amour rente viagère, pas l’amour sans amour, mais l’amour vierge, innocent, pur, l’amour amour, le don total de soi. J’aime l’amour. Aimons l’amour. Aucune entreprise humaine, rien d’admirable ne peut se faire depuis la terre jusqu’au plus haut des cieux sans amour, sans passion. (se prélasse sur un matelas). Vous me réveillerez. (un temps) Mais si je te l’assure, le monde est un Eden. La nature est riante. Ne sens-tu pas ces flatteuses senteurs ? Les vergers fleurissent. Les fleurs chantent l’hymne de l’amour. Le ciel est bleu. Le ciel est beau. Ecoute, écoute le chant riant des oiseaux. Tu m’entends ? Tu dors ? Tu oses dormir ! quand des milliards d’hommes souffrent de par le monde, tu veux être indifférent ! Et ça se prend aussi pour un homme. Il n’y a pas de destinée singulière dans ce village planétaire. Ne te fais pas d’illusions. Face à l’angoisse existentielle, tout bonheur est fugace. Toi le riche, tu n’es que l’esclave de l’esclave qui t’enrichit… Mais tu vas finir par m’énerver toi ! Regarde, vois dans la salle des acheteurs d’illusions.
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(pris de violents maux de tête) Ah ma tête ! Qui gommera mes souvenirs ? Tous les Christophe, tous les colons. Ah, l’Histoire, l’esclavage, les déportations, les fours crématoires, les grandes purges, Nagasaki, Pearl Harbor, Hiroshima. Je vous défie tous, de me prouver qu’un autre animal au monde a fait mieux. (criant) C’est pourquoi je nous en veux tous ! nous tous coupables : coupables par action, coupables par démission, coupables en pensée. (tire son sabre et s’apprête à s’élancer dans le public ; secoue la tête en rengainant) Vous avez la chance que je sois tolérant et magnanime.
X… have you closed the door ?… Do it please… give me the key… thanks. Ladies and gentlemen, the small river caught a lot of curves, because it was flowing alone. I’ve got a serious problem and I would like you to help me. I had to leave my country because everybody there wanted to be a teacher. Everybody was a genius, nobody wanted to learn. So many teachers! Too much connaisseurs! As far as I arrived here, the situation is unfortunately the same: so many teachers! Too much teachers! And I ask myself, if there are so many teachers, if everybody is a connaisseur, if everybody is a genius, if nobody wants to learn, what’s the need of teachers since there’s no more student? So I decided to save the world by killing all the teachers and I begin right now…
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