Felix Kama Webseite

Aujourd'hui plus qu'hier, il y a des Noirs dans le monde entier: Noirs Américains, Noirs Européens, Noirs Asiatiques, Noirs Africains, brefs Noirs noirs et Noirs mélangés. Que veut dire aujourd'hui être Africain? Ta langue quotidienne n'est plus africaine; ta religion n'est plus celle de tes ancêtres; ton économie n'est plus celle du troc; ton droit n'est plus le droit d'aînesse; veste et cravate sont tes vêtements de parade; tu ne manges plus le manioc; ta peau est violemment maquillée, tes cheveux ou perruques lisses et ton ciel n'a plus de clairs de lune cadencés de danses autour du feu; tes contes sont les aventures des films occidentaux. Qu'est-ce qu'être Africain de nos jours? Une race en voie d’extinction? F.Kama

La mission manquée de Nelson Mandela (FR)

A l’heure où le monde entier verse des larmes sincères mêlées à des larmes de crocodile à l’occasion du départ de notre Mandela pour le royaume de l’au-delà, il apparaît indécent de déroger à la bienséance que nous dictent les rituels des éloges funèbres pour émettre un son discordant dans la polyphonie ambiante. La bienséance veut qu’on ne tire pas sur un corbillard, ni qu’on vienne réclamer une dette avant l’ensevelissement et que le défunt aurait contractée de son vivant. Je refuse à quiconque le droit de me reprocher de troubler le repos du mort ou de manquer de respect pour ce Noir qui appartient sans conteste au patrimoine de l’humanité. De même je ne voudrais jamais jouer les éternels insatisfaits, encore moins afficher une quelconque ingratitude vis-à vis de ce monument dont l’endurance à la souffrance n’a eu d’égale que la reconnaissance mondiale. Je salue la mémoire du grand homme et son entrée vivant dans le panthéon auprès des Martin Luther King et autres Ghandi. Au moment où la terre qui nous accueillera tous est en train de se refermer sur lui, c’est moins l’image de la dépouille conduite avec dignité à sa dernière demeure que les hordes de politiciens hypocrites du monde entier qui provoquent mes larmes. L’envie unique que j’éprouve est de leur crier en mondovision : vade retro ! Pharisiens ! Mais souffrez ici que j’émette la pensée que Mandela aurait pu faire mieux pour l’Afrique.

 

Revenu sur la sellette comme le premier dirigeant Noir de l’Afrique du Sud, Mandela s’est éclipsé dignement après une seule législature, giflant par le fait au passage ses congénères potentats d’Afrique, vieux fossiles dont les trésors de génie sont plus fertiles à sécuriser leurs trônes décrépis qu’à ensemencer le développement de ce continent.  En réalité, l’avènement de Nelson Mandela a été vécue comme un épiphénomène. On aurait dit que son refus de mourir donnait chaque jour mauvaise conscience aux dirigeants du monde. On supportait qu’il fût encore en vie parce qu’on ne tire pas sur un cadavre. On l’adulait, on le recevait en grandes pompes, on l’applaudissait en se demandant quand est-ce que ce fossile débarrasserait le plancher. Les plus grandes agences de communication se relayaient à son chevet minute by minute pour avoir la primeur d’annoncer en scoop au monde le dernier souffle de Madiba. Les sommités du monde mettaient en marche tous leurs contacts pour lui arracher qui un tête.à tête, qui une photo, qui une interview : chacun espérait en paraissant à ses côtés ainsi acquérir un peu d’immortalité. Jésus Christ méga star, je vous dis !

 

Foin d’hypocrisie : je garde en mémoire le tollé que souleva l’attribution de l’organisation de la coupe du monde 2006 à l’Allemagne alors que tous les pronostics la donnaient à l’AFSUD. Celle de 2010 revint par compensation à la nation arc-en-ciel: Mandela s’était impliqué himself ! Ajoutera t-on un jour dans son palmarès que Nelson Mandela est le père indirect du principe de rotation de l’organisation de la coupe de monde de football par continent ? Permettez que je doute en ce jour que ce principe lui survivra. Il n’y a que cinq continents. On verra bien à quel pays africain la FIFA attribuera l’organisation de la coupe du monde 2030. Bon, ne nous égarons point : mon petit pincement au cœur.

 

Car en fait, ils sont nombreux qui vénéraient Mandela, sans avoir jamais compris le message quasi christique qu’il envoyait au monde entier. Beaucoup ne retiendront que son combat politique avec l’ANC, la lutte contre le système de l’apartheid en Afrique du Sud, l’emprisonnement inhumain et puis vint l’inattendu : le pardon historique et unique des Noirs aux Blancs qui les auront déshumanisés pendant des siècles. Là où les Blancs craignaient la légitime revanche, l’HOMME s’est vêtu du costume de l’idéal impossible du SURHOMME pour donner une leçon de pardon à nous tous, toutes races confondues ! Les maîtres qui dirigent le monde en auraient tiré leçon que toute la face du monde aurait changé. Hélas, chacun des dirigeants qui tiennent les leviers du monde entre leurs puissantes mains s’est contenté d’applaudir le geste grandissime du fils de Henry Mphakanyiswa et de Nosekeni Fanny, puis de reprendre plus fermement ces leviers et de continuer à cravacher le monde selon les lois de l’injustice en statu quo ante. Chacune de ces sommités de l’ordre établi se fera le devoir d’être présent à ton inhumation. Tous viendront mouiller ton cercueil de leurs larmes de crocodile afin de renforcer la primauté de la sauvagerie des déséquilibres des relations internationales sur le simple bon sens que tu leur as enseigné, sous l’œil bienveillant de leurs cameras mensongères. Quand viendra l’inhumation, chacun ramassera une pelletée de terre, y crachera tout zeste d’humanisme qui le hantait et la balancera sur ton cercueil. Puis, tel un chrétien sortant du confessionnal repartira dans son pays après avoir enterré à jamais la mauvaise conscience que ton geste historique lui a infligée.

 

Père Madiba, te voici qui entreprends ton dernier voyage, pour aller rejoindre tes amis Steve Biko, Chris Hani, Joe Slovo, Oliver Thambo, Walter Sisulu, A. Lutuli ajoutés à d’innombrables anonymes en plus bien sûr des Ian Smith, John Vorster,  D. F. Malan, Hendrik Verwoed, Pieter Botha de sinistre mémoire. Tu fis beaucoup, tu as mesuré dans ta chair tous les degrés des hauts-fourneaux de la méchanceté des Blancs vis-à vis des Noirs. Tu en as payé un prix très fort. Là où tes compagnons sont tombés dans ce combat inique, les armes et l’espoir dans les mains, tu as survécu. Papa, tu m’as donné la fierté d’être Noir, c’est-à dire l’identité de ne jamais désespérer, ne jamais renoncer au combat. Si j’avais un regret à exprimer, qui s’apparente à une déception, c’est l’indécrottable sentiment que toute la luminosité messianique qui t’entourait aurait pu accomplir la volonté des pères du panafricanisme : l’Unité de l’Afrique.  Tu as tellement démontré ton endurance dans d’autres combats que tu aurais certainement gagné celui-ci. Et tu étais mieux placé que tous les autres chantres de l’unité africaine.

 

Oh oui ! je perçois déjà les cris d’orfraie des bien-pensants me demandant de laisser le vieux Madiba partir se reposer en paix. Mais si je ne te le dis pas ici et maintenant, où sera-ce ? Les bien-pensants de l’ordre établi m’ont déjà réservé un ticket direct pour la géhenne. Donc, je n’aurai probablement pas la chance de te côtoyer au panthéon. Qu’on me laisse donc te le dire au moment où tu y vas. Car ton charisme, ton esprit de détachement, ta réputation et ton indiscutable leadership faisaient de toi LE SEUL AFRICAIN CAPABLE D’IMPOSER AU MONDE ENTIER UNE ABOLITION DES FRONTIÈRES ET UN CALENDRIER DE L’UNITÉ ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE DU CONTINENT AFRICAIN. Tu n’aurais eu besoin pour cette tâche ni de sillonner le monde entier, ni de présider un quelconque organisme, et encore moins de mener une quelconque guerre civile. Ton riche curriculum de souffrances et ton héroïsme plaidaient pour toi et pour un tel acte. L’URSS, l’Union Européenne, les États-Unis tirent leur puissance de ce que le morphème « UNI » se trouve dans leur dénomination.

 

Tu aurais dit aux africains qu’aucun de leurs minuscules pays ne sera jamais développé seul, que la division est l’arme du puissant vis-à-vis du pauvre. Tu leur aurais dit que la Chine est un marché couru parce qu’il y a un seul interlocuteur pour plus d’un milliard d’habitants, et que l’Afrique n’est plus loin de ce nombre. Tu leur aurais dit que ce n’est pas innocent si jusqu’au jour de ta mort en ce 06 décembre 2013, beaucoup de Blancs pensent encore que l’Afrique est un pays, et que cette lacune géographique n’est pas si mauvaise à posteriori. Que nous soyons Angolais, Guinéen, zimbabwéen, pour l’homme Blanc, nous serons toujours un AFRICAIN ! Il aurait suffi de le dire, oui, papa, de décréter l’Afrique Unie comme d’autres prient en disant « Dis seulement une parole et je serai guéri. » Voilà la parole que redoutait dans leurs frocs tous les roitelets africains, arc-boutés sur leur pouvoir tapissé de crânes des leurs offerts en sacrifices pour préserver chacun leurs trônes rongés par la peur. Hélas, tu t’es tu. Peut-être n’étais-tu pas toi-même conscient de tout ce pouvoir en ta possession…Puisse une autre maman africaine nous donner le plus tôt possible un autre messie qui vienne terminer la mission de Mandela. On est très mal parti, là. Requiescat in pace Papa !

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