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Aujourd'hui plus qu'hier, il y a des Noirs dans le monde entier: Noirs Américains, Noirs Européens, Noirs Asiatiques, Noirs Africains, brefs Noirs noirs et Noirs mélangés. Que veut dire aujourd'hui être Africain? Ta langue quotidienne n'est plus africaine; ta religion n'est plus celle de tes ancêtres; ton économie n'est plus celle du troc; ton droit n'est plus le droit d'aînesse; veste et cravate sont tes vêtements de parade; tu ne manges plus le manioc; ta peau est violemment maquillée, tes cheveux ou perruques lisses et ton ciel n'a plus de clairs de lune cadencés de danses autour du feu; tes contes sont les aventures des films occidentaux. Qu'est-ce qu'être Africain de nos jours? Une race en voie d’extinction? F.Kama

Je suis optimiste sur le théâtre camerounais (FR)

L’ex sociétaire du «Théâtre universitaire» aujourd’hui salarié à la Theater Haus de Stuttgart en RFA revient sur la période faste du théâtre camerounais et ne désespère pas d’un avenir meilleur pour cet art dans son pays.

Entretien à Stuttgart

On vous retrouve ici à Stuttgart alors même qu’au Cameroun l’on se demande ce que vous êtes devenu. Pouvez-vous d’abord nous dire ce qui vous a amené à vous installer ici en Allemagne ?

Les raisons de cette migration sont nombreuses. D’abord, j’ai grandi dans le théâtre universitaire des années 80 où j’ai fait mes armes de comédien  sous la férule de Jacqueline Leloup. Malheureusement quatre années après mon entrée au sein de cette troupe prestigieuse, elle quittait le Cameroun. On est là en 1988. Il était alors question de continuer de travailler et de fructifier ce qui avait été fait jusque là vu qu’elle avait placé la barre à un certain niveau. Malheureusement, avec son départ, les autorités de l’Université du Cameroun n’ont pas continué leur action envers la troupe de la même manière. Nous avons comme ça été lâchés par notre tutelle, ce qui a créé une démobilisation et un effritement de la troupe qui vivotait sans moyens. Pour que vos lecteurs comprennent, je dois dire que même la salle de répétitions qui nous était alloué nous a été retirée, au point où dans les derniers moments nous travaillons sous le manguier qui était devant le bâtiment prévu pour les répétitions.
Pouvez-vous nous raconter l’ambiance qu’il y avait au sein de la troupe du temps de Mme Leloup ?

On avait avant toute chose un parapluie financier. L’université, qui était notre tutelle, s’occupait de tous nos déplacements et de toutes nos productions. Nous ne nous préoccupions guère de la recherche des financements, ce qui nous permettait de nous concentrer sur nos créations. Cela est important dans la mesure où la fin de ce financement a provoqué une démobilisation et plus tard la disparition du Théâtre universitaire. L’autre chose est que nous étions une bande de gamins qui était unie par la passion bénévole du théâtre, car malgré notre travail hautement professionnel, nous n’étions pas rémunérés. Il n’y a donc que la passion qui nous animait. Et c’est celle-ci qui a mis le Théâtre universitaire au niveau où il se trouvait en ces années-là. En troisième lieu, la troupe comprenait en plus des comédiens des dramaturges de haute facture. Ce sont ces dramaturges qui ont créé les différents personnages et intrigues qui marquent encore les esprits au Cameroun et en Afrique aujourd’hui.

C’est donc cette harmonie dramaturges-comédiens qui a rendu le Théâtre universitaire du Cameroun célèbre sur le continent. Comment analysez-vous ce succès-là 25 ans plus loin ?

Deux choses sont à prendre en considération pour expliquer et analyser ce succès qui a dépassé les frontières camerounaises. Il y a la passion et le travail. Malheureusement, il est arrivé beaucoup de temps après que la situation a changé et d’autres intérêts ont pris le dessus sur la passion et le travail sur la scène camerounaise. Il reste quelques fous qui croient en l’art et qui donneraient leur dernière chemise pour lui. Exactement un peu comme nous le faisions jadis lorsque nous allions aux répétitions à pied pendant des mois pour préparer un spectacle ou que nous jouions sans rémunération. Il nous est arrivé plusieurs fois mes compères et moi de sortir de la salle d’examen en fac pour courir à une répétition ou à un spectacle  à dix ou 15 Kms du campus. Je ne voudrais pas préjuger de mes jeunes confrères de la scène au Cameroun, mais je crains que beaucoup soient capables d’en faire de même aujourd’hui.

Quand le Théâtre universitaire se démobilise complètement à la fin de la décennie 80, que devenez-vous ?

Il est très difficile de courir contre un mur plusieurs fois, à moins d’être un kamikaze. Nous avons pendant trois ans essayé de lutter avec nos modestes moyens pour entretenir la flamme et ce avec quelques succès à la clé. Le premier d’ailleurs était en 1989 à Bouaké en Côte d’Ivoire où nous avons représenté le Cameroun à un festival universitaire du théâtre. J’en veux pour preuve simplement le fait que c’était la première fois que les organisateurs donnaient la possibilité au public d’élire les meilleurs spectacles, comédiens, troupes et metteurs en scène … Et dire que nous y avions été invités sans être informés qu’il y aurait compétition ! Nous nous y sommes retrouvés avec des compagnies ouest-africaines et de la Martinique. Chaque troupe devait exécuter un spectacle et en une seule fois. A cette période, le Théâtre universitaire avait deux pièces : «Le testament du chien» et «Gueïdo». Une fois sur place, la Martinique ayant désisté, nous proposons aux organisateurs de les dépanner en jouant gratuitement une pièce de notre besace avant notre date fixée à deux jours de la fin du festival. Ce qu’ils acceptent. La représentation du «Testament…», a jeté un frisson sur la compétition, au point que le lendemain, l’alors ministre ivoirien en charge de la culture Laurent Dona Fologo est monté sur la scène pour décréter la fin de la compétition. Comme le public, il s’était sans doute posé la question de savoir que si un spectacle de dépannage gratuit atteint ce niveau, qu’en sera-t-il du spectacle payant ? Au lendemain de notre 2è spectacle «Geïdo», le quotidien ivoirien Fraternité Matin titrait «Le Cameroun et les autres».

Après donc cette expédition à succès en terre ivoirienne, que devenez-vous ?

Pendant deux ans, nous avons continué dans des conditions terribles car ni notre aura ni cette épopée ivoirienne n’ont pas ramené les autorités à de meilleurs sentiments. Dans le même temps, la plupart d’entre nous avaient terminé leurs études et certains avaient même trouvé du travail. On était en plus devenus adultes et avions déjà des responsabilités familiales à assurer. Je me souviens même que mon ami David Noundji avait été affecté comme enseignant à Yokadouma. En plus donc du lâchage de notre tutelle, il y en avait dans les ministères qui voulaient en découdre avec nous pour des raisons qu’eux seuls peuvent expliquer. Naïfs, nous sommes allés à la rencontre de celui qui était en charge de la troupe et qui enseignait le théâtre à l’effet de voir comment il était possible de ramener le comédien Noundji à Yaoundé et voici le discours qu’il nous tint : «Vous n’êtes plus étudiant, vous voulez tromper les gens. Cela est bien fait, on va vous démanteler complètement.»

Pouvons-nous savoir de qui il s’agit ?

Je ne voudrais pas donner de nom, juste quelques indications : c’est un monsieur qui a occupé de hautes fonctions au ministère de la culture, qui a enseigné et continue d’enseigner à l’Université de Yaoundé et qui était en charge du Théâtre universitaire anglophone qu’il avait créé.
Après ces péripéties, vous ressuscitez en quelque sorte à Stuttgart quelques années plus loin. Comment cela s’est-il passé ?
Après cette difficile expérience, je me suis retrouvé au chômage cinq années durant. J’avais du temps où j’étais à l’université fait des études littéraires. Animés par la flamme théâtrale, j’ai cependant continué malgré les affres du chômage à travailler avec quelques fous comme François Bingono, David Noundji, feus Djapa et Tchio. Ensemble, nous avons monté le «Théâtre international de Yaoundé» qui comprenais également l’Italien E. Garzola, Elisabeth Meka… N’ayant pas de tuteur financier, la situation est rapidement devenue intenable. On s’est donc finalement dispersé. Avec Bingono, on a voulu assurer la relève et c’est ainsi qu’on a monté une petite école de formation «Alabado théâtre» d’où sont sortis quelques fleurons de la scène actuelle. Parallèlement, j’entre à l’Ecole normale supérieure en 91 et en sors deux ans plus loin comme enseignant de français. En 94, l’UNESCO lance un appel pour une bourse pour une résidence de 40 artistes de tous les genres à Stuttgart, à la Akademie Schloss Solitude. Je candidate et sur les près de 2000 candidatures du monde entier, je suis retenu pour cette résidence d’écriture. J’effectue le voyage en 1996.

Pourquoi êtes-vous resté ici ?

Au bout de huit mois de résidence, j’ai reçu une proposition de la «Theater Haus» de Stuttgart où j’ai depuis un emploi permanent.
Quels rapports entretenez-vous avec le Cameroun au plan artistique ?
Je dois dire que je continue d’écrire et de créer. Etant dans une autre culture qui me donne d’autres perspectives et horizons, j’écris pour des comédiens camerounais. David Noundji a par exemple tourné avec l’une de mes pièces au Cameroun avec beaucoup de succès. Parallèlement à cela, les anciens du Théâtre universitaire ont voulu recréer les spectacles qui ont fait notre fortune. Cette expérience a fait long feu. J’y ai injecté de l’argent mais les sponsors escomptés n’ont pas suivi. Mais je ne désespère pas parce que ce projet reste en nous et chaque fois que nous nous rencontrons, nous avons une grosse envie de réaliser ce projet. Nous tenons à faire revivre ces émotions d’antan aux Camerounais.
Des échos que vous avez d’ici sur le théâtre camerounais vous rendent-ils optimistes ou pessimiste ?
Je suis optimiste parce que la culture camerounaise est très riche ; il y existe un vivier inépuisable de talents. Permettez que je ne cite personne pour ne pas en frustrer davantage. Je suis de très près la scène camerounaise qui comporte des déchets comme partout ailleurs. C’est un peu comme le foot où malgré des talents à la réputation mondiale établie, notre football est dans les marais du foot mondial. Je suis de ceux qui pensent que le talent ne meurt pas. Et tant que la graine ne meurt pas, il y a espoir.
Sauf que le Cameroun n’a pas de salle de spectacle digne de ce nom depuis les fermetures successives des cinémas. L’infrastructure artistique dans le théâtre comme dans beaucoup de champs artistiques manque cruellement et on a du mal à partager votre optimisme.
Pour réponse, je rappelle simplement que lors de notre épopée ivoirienne en 1988, nous travaillions sous les manguiers !

Source:http://tabapsi.blogspot.de/2012/08/felix-kama-je-suis-optimiste-sur-le.html

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